L’article est en français principalement car il parle de droit français, et que c’est pertinent uniquement dans cette langue. Aussi, il concerne les sociétés Foncia et Constatimmo, nous appellerons le bailleur PJ (je préfère ne pas nommer les personnes qui ne sont pas morales).

Les conclusions sont sûrement plus intéressantes que les étapes. Mais les étapes sont importantes pour connaître ses droits (ou en tout cas, les miens) en tant que locataire de bien non meublé.

Préambule

Je ne suis pas un avocat. En fait, je connais tellement rien au droit que je ne sais même pas si préciser « je ne suis pas un avocat. » me protège d’une quelconque manière.

Ce billet n’a pas pour but de conseiller de possibles locataires se sentant lésés, mais simplement de donner mon retour d’expérience parce que j’aurais aimé avoir une idée du parcours avant de me lancer, pour savoir à quoi m’attendre.

L’autre point important qui mérite d’être dans ce préambule, est que le montant principal du litige est sous les 5000€. Le seuil est important car il change la juridiction responsable de la procédure, et donc l’article ici ne concerne que les litiges sous ce seuil.

Le litige

Le détail du litige n’est pas pertinent ici, et je suis évidemment biaisé dans ma façon de le décrire. Disons que c’est un problème classique de ce que je qualifie de “vol de caution”:

  • Je suis entré dans un appartement avec de la peinture qui craque partout à cause de l’humidité (photos à l’appui à l’état des lieux entrants), et ils veulent me faire payer la peinture dans l’appartement,
  • Il y avait de trous dans les murs de la cuisine à l’entrée et à la sortie dont le rebouchage m’a été facturé,
  • 0 détail de la facture des ordures ménagères de la ville pour vérifier le pro-rata qui a été effectué sur la retenue…

Des « erreurs » classiques (une simple comparaison des états des lieux et un peu de professionnalisme auraient, à mon avis, permis d’éviter ces erreurs) venant de l’agence. Et parmi les retenues sur dépôt qui sont légitimes, c’est Constatimmo qui fait preuve d’une méthodologie un peu douteuse. Le joint de la douche avait besoin d’être un peu complété: on m’a facturé 60€ pour « 3 mL de joint » (hors forfait de déplacement bien sûr). Pour comparaison, une recherche dans une enseigne de bricolage me donne 30€ pour 200mL. La réfection du joint de douche est donc une opération avec 13000 (treize mille) % de marge sur les matières premières: je pense qu’il aurait été possible de trouver une meilleure affaire.

1ère étape: demande de facturation et contestation (octobre/novembre 2021)

Après l’édition de l’état des lieux de sortie, il faut attendre au minimum 1 mois avant de pouvoir rappeler à l’agence immobilière qu’ils sont censés rembourser le dépôt de garantie ou s’exposent à des frais de pénalité s’élevant à 10% du loyer mensuel brut par mois de retard entamé.

Seule cette lettre m’a permis d’avoir une réponse, avant ça mes mails étaient restés sans réponse.

Une fois reçu le décompte, il faut demander le détail de la facturation ayant donné lieu à la retenue, ce qui permet d’envoyer un second recommandé comprenant la liste des éléments de facturation avec lesquels on n’est pas d’accord.

Ayant peur de m’être lancé dans une longue procédure où assembler et garder les preuves peut être pénible, j’en ai profité pour tout rassembler et tout scanner d’un coup:

  • le bail,
  • l’état des lieux d’entrée,
  • des copies de tous les mails sur mes ajouts à l’état des lieux (du type “ah, cette armoire sous l’évier a du bois pourri en fait.”)
  • l’état des lieux de sortie, et
  • toutes les communications avec l’agence par mail

C’était probablement ma meilleure inspiration de 2021. Passer par un service d’envoi de plis en ligne (je suis passé par resilier.com en ce qui me concerne), avait aussi l’avantage qu’ils m’envoient directement une copie numérisée de l’accusé de réception signé, ce qui rend plus facile la constitution du dossier pour les étapes suivantes.

2nde étape: tentative de conciliation à l’amiable (avril 2022)

Après n’avoir reçu, il faut envoyer une demande à la commission départementale de conciliation, étape préalable nécessaire avant d’assigner quelqu’un au tribunal.

J’ai attendu 1 mois avant de demander la conciliation pour laisser un droit de réponse, mais sinon, il y a eu environ 3 mois et demi d’attente pour pouvoir avoir la session à la commission de conciliation.

Aucune partie défendante ne s’étant présentée (ni l’agence mandatée, ni le propriétaire bailleur), la commission ne peut conclure, l’étape suivante est donc l’assignation en justice.

3ème étape: dépôt de dossier au greffe du tribunal et assignation (juin 2022)

Après cette étape, la seule chose à faire est donc d’assigner les parties adverses au tribunal, une fois le compte-rendu de la commission départementale de conciliation reçu.

Il faut assigner le propriétaire bailleur, ce n’est pas la peine d’assigner l’agence immobilière mandatée. En effet, (spoiler), dans le verdict de la procédure, la justice a considéré comme irrecevable mon action contre l’agence immobilière mandatée. Même si c’est l’agence immobilière qui a été mon seul interlocuteur et le seul compte auquel j’ai fait des virements, c’est le bailleur mandataire qui est légalement vulnérable en cas de retenue illégale sur le dépôt de garantie.

Le dépôt de dossier se fait assez simplement:

  • j’ai appelé le tribunal pour demander des informations,
  • le tribunal m’a envoyé le CERFA à remplir par mail (le 16041-02),
  • le CERFA rempli accompagné de 3 copies du dossier complet

Le dossier complet était simplement:

  • la lettre complète de la 1ère étape,
  • son accusé de réception,
  • le compte-rendu de la commission de conciliation

C’est à ce moment là que j’ai reçu la convocation pour début janvier 2023.

Le propriétaire (PJ) n’a pas récupéré sa copie du dossier envoyé par le greffe, il a donc aussi fallu que je m’adresse à un huissier de justice pour faire transmettre la citation, et que je me munisse de cette preuve pour compléter mon dossier le jour de l’audience. C’était clairement un surcoût que je n’avais pas prévu.

4ème étape: audience au tribunal (janvier 2023)

L’audience prend une demi-journée globalement, il y a beaucoup de dossiers à traiter, et les différents dossiers sont traités par petits groupes: même si j’étais convoqué à 09:30, en réalité toute la session du matin est convoquée à cette heure, et on ne sait pas vraiment à quel moment on passera.

Aucune partie défendante ne s’est présentée non plus, et ça a mis très vite court à l’audience pour moi. Il faut que tous les défendeurs aient accès à toutes les pièces du dossier pour pouvoir s’en défendre le cas échéant, incluant un possible plaidoyer pendant l’audience, puisqu’aucun défendeur n’est présent pour le faire à ce moment.

Il fallait donc soit que j’acquiesce que le dossier est complet et que rien ne peut être changé (à part ma preuve de faire citer par un huissier), soit de demander un renvoi pour faire modifier/plaider quelque chose, et envoyer les nouvelles pièces aux défendeurs. Le tribunal, lors de la session de janvier 2023, mettait les renvois en septembre 2023.

Sachant que personne n’allait se présenter non plus, et pensant que rien ne me serait remboursé en frais de justice, j’ai choisi de ne rien dire et de laisser le délibéré se faire début février.

5ème étape: verdict (février 2023)

Verdict reçu. Pas la peine de s’étendre sur le détail car c’est très spécialisé sur mon cas, mais en tout cas c’est bien le propriétaire bailleur qui est condamné à payer:

  • les retenues indues sur le dépôt de garantie, ainsi que
  • le forfait pour rembourser une partie des frais de justice.

Le fait notable est que les pénalités de retard sur le remboursement de la caution sont inapplicables, car il y a dans les motifs de retenue au moins 1 motif qui était légitime. Donc même si au final 60 ou 70% de la retenue n’était pas légaux, et que ni le propriétaire bailleur, ni l’agence immobilière ont fait le moindre effort pour une résolution à l’amiable, il n’y a aucune pénalité à avoir fait traîner l’injonction de rembourser.

On n’a pas parlé de la phase « application des peines », et je ne serais pas surpris que ça prenne encore entre 5 et 6 mois d’avoir de l’avancement là-dessus. C’est le prochain épisode pour moi.

Conclusions

Coût total

Les principaux coûts (à mon avis) de la procédure sont liés à la production et aux envois du dossier de contestation aux parties ; une quarantaine de pages, dont une vingtaine en couleur pour les photos des états des lieux entrants et sortants, ainsi que le bail et les communications servant de preuves.

  • Recommandé de mise en demeure de restitution de dépôt de garantie: ∼5€
  • Courrier de contestation de la retenue sur dépôt de garantie: ∼15€
  • Présence à la tentative de conciliation à l’amiable: 1 demi-journée de congés
  • Copies du dossier de contestation en 3 exemplaires pour le greffe et les défendeurs lors de l’assignation en justice: ∼90€ (les copies couleur, ça coûte)
  • Envoi du recommandé pour l’assignation des défendeurs au tribunal: ∼20€
  • Huissier de justice pour faire assigner le défendant n’ayant pas récupéré son recommandé: 125€
  • Présence à l’audience au tribunal de proximité: 1 demi-journée de congés.

Dans mon cas, le coût total est estimé environ à 250€ et 1 journée de congés. Pour information, le jugement rendu a pris acte de ma demande pour le remboursement d’une demi-journée de congés, et ajoute une participation forfaitaire équivalente à ce que j’avais estimé pour la demi-journée de salaire net. Coïncidence ou calcul effectué sur la base de la fiche de paie + attestation employeur associé au dossier? Je ne sais pas.

Durée totale

  • Délai avant de mettre en demeure l’agence immobilier de paiement: 1 mois
  • Délai avant de recevoir les justifications des retenues sur le dépôt de garantie: 1 mois et demi
  • Délai avant de lancer la procédure de conciliation à l’amiable: 1 mois
  • Attente avant la procédure de conciliation: 4 mois et demi (dépendant de la juridiction)
  • Délai avant l’audience devant le juge: 6 mois (dépendant de la juridiction)
  • Délai avant le verdict: 1 mois (dépendant de la juridiction)
  • Délai avant de mettre en demeure de paiement PJ: 2 mois (non écoulés encore)

Dans mon cas, en oubliant les 5 ou 6 semaines où j’ai été le maillon bloquant de la procédure, la procédure judiciaire aura pris 15 mois entre l’état des lieux de sortie et la réception du verdict du tribunal de proximité.

Ce qu’il ne faut surtout pas oublier pour être prêt à ce genre de cas

Le point le plus important

Seul le propriétaire-bailleur (le nom en petit sur le bail) est « débiteur de l’obligation de restitution du dépôt de garantie ». Ainsi, rien ne sert d’assigner le mandataire en justice. Cependant, il est infiniment plus simple de communiquer via l’agence pour tenter la conciliation plutôt que le bailleur, car (dans mon cas) contacter le mandataire est plus simple que tenter de contacter le bailleur (qui a pu déménager par exemple).

L’intégralité de la procédure aurait été caduque si je n’avais assigné que l’agence immobilière au tribunal.

Le reste

  • Faites des photos additionnelles lors de l’état des lieux d’entrée, et profitez du délai en début de location pour refaire des passes et ne rien laisser passer.
  • Faire noter tout ce qui n’est pas littéralement neuf en “état d’usage”. Pas de négociation possible, tout ce qui est en “état d’usage” à la fin mais pas au début a l’air d’être potentiellement sujet à retenue.
  • Noter tout ce qui n’est pas un mur ou un plafond. Dans mon cas, le précédent locataire avait aménagé un bar dans le salon, et l’agence a essayé de me facturer les travaux pour le retirer. J’ai eu la chance d’avoir pris et gardé une vidéo de l’appartement le jour de ma visite, car c’était le seul moyen de prouver que cet aménagement précédait mon bail.
  • Les e-mails suffisent pour la communication de ces ajouts à l’état des lieux et permettent de garder des traces des correspondances pendant longtemps.
  • Préciser dans le dossier d’assignation que votre nouvelle adresse est connue pour communiquer avec vous
  • Dans la possibilité

Compter sur l’impossibilité de plaidoyer : tout doit être présent dans le dossier Les “pénalités de retard” sont inapplicables en pratique (le moindre motif légitime de retenue annule les pénalités sur les 70% de retenue illégalement appliquée)

Les agences immobilières mandataires en gestion locative ne portent aucune responsabilité légale en ce qui concerne les retenues sur dépôt de garantie. La seule personne à assigner est le bailleur, propriétaire du bien.

En ce qui me concerne

Au vu de ma procédure, j’ai l’impression que la méthodologie de gestion du risque légal, consistant à simplement ignorer toutes les requêtes des locataires est plutôt gagnante: malgré un manque de bonne foi évident de tous mes interlocuteurs, un grand total d’une demi-journée de pénalité a été ajouté au montant principal du litige (après 15 mois de procédure et 1 journée de travail prise).

Si je pouvais revenir dans le temps et me parler avant de déménager, je prendrais le temps qu’il faut (que ce soit 5 heures ou 1 mois), pour dire qu’être de bonne foi n’est viable, car les bailleurs de mauvaise foi ne sont de toute façon pas assez punis pour avoir envie d’agir correctement ; et que tous les “on dit” sur le fait de ne pas payer le dernier mois de loyer au lieu de compter sur la restitution du dépôt de garant sont finalement un bon conseil.

Ce compte-rendu est simplement le genre de ressources que j’aurais aimé trouver pour décider (ou non) d’être réglo sur la fin de mon bail.